Formulaire de soins aux Personnes Agées
Douleur neuropathique
Littérature consultée à la date du : 31/10/2022
- La douleur neuropathique répond mal aux analgésiques non-narcotiques habituels, mais une réponse individuelle est possible.
- Certains antidépresseurs et certains antiépileptiques se sont montrés efficaces pour soulager les neuropathies, particulièrement diabétiques et postherpétiques.
- Le choix d'un médicament spécifique (nortriptyline, gabapentine ou duloxétine) dépend des caractéristiques du patient, des comorbidités, des effets indésirables potentiels et de l’étiologie de la neuropathie.
- La thérapie combinée n'est pas conseillée chez les personnes âgées en raison du risque d'effets indésirables supplémentaires.
- Dans la névralgie du trijumeau, la carbamazépine reste sélectionnée. Aucun autre médicament n'a été étudié de manière adéquate dans cette indication. Une surveillance stricte des effets indésirables potentiels s’impose au moment d’instaurer la carbamazépine (voir Fiche médicamenteuse).
Modifications principales
- L'amitriptyline n'est plus proposée comme premier choix chez la personne âgée en raison de son profil de sécurité défavorable (notamment forts effets indésirables anticholinergiques).
- Le choix d'un médicament spécifique (nortriptyline, gabapentine ou duloxétine) dépend des caractéristiques du patient, des comorbidités, des effets indésirables potentiels et de l’étiologie de la neuropathie. La thérapie combinée n'est pas conseillée chez les personnes âgées en raison du risque d'effets indésirables supplémentaires.
- Dans la névralgie du trijumeau, la carbamazépine reste sélectionnée. Une surveillance stricte des effets indésirables potentiels s’impose au moment d’instaurer la carbamazépine (voir la Fiche médicamenteuse).
Définitions et classification
On distingue classiquement deux types de douleur : la douleur nociceptive et la douleur neuropathique.
La douleur neuropathique est souvent l’expression de lésions nerveuses périphériques. Les symptômes peuvent comporter des sensations de brûlure ou de tiraillement ainsi qu’une sensibilité anormale à des stimuli normalement non douloureux
Zona
Un zona peut s’accompagner de douleurs précoces mais aussi de douleurs persistant pendant un temps plus ou moins long. Ces douleurs persistantes sont plus fréquentes chez les sujets plus âgés et ceux qui présentent une immunosuppression sévère
Neuropathie centrale après un AVC
Il est étonnant que la neuropathie centrale post AVC, qui semble une cause très fréquente de neuropathie chez les personnes résidant en maison de repos, n’ait pas fait l’objet d’études importantes
Neuropathie diabétique
De 16 à 26% des patients diabétiques souffriraient de douleur neuropathique liée à leur diabète
Diagnostic
La douleur est une expérience subjective. Pour prescrire adéquatement, le médecin doit donc se baser sur ce que le patient veut dire et peut dire, sur l’observation du patient (rôle primordial des paramédicaux) et sur le suivi des paramètres dits caractéristiques d’un patient éprouvant une douleur.
Une évaluation correcte de la douleur est une condition pour une analgésie correcte
- Anamnèse : On peut évaluer la douleur par l'écoute, par l'interrogation directe et/ou par l'observation du patient. La douleur est décrite selon sa nature (aiguë, lancinante, brûlante, …), sa localisation et son irradiation. Tout ceci a des répercussions sur la méthode de traitement.
- Echelles d'évaluation : Une bonne évaluation de la douleur exige l'emploi d'une échelle d'évaluation adaptée. Une échelle visuelle analogique (EVA) est souvent utilisée, mais elle est la plus abstraite. Une échelle d'évaluation numérique (NRS, numerical ratig scale), échelle scorée de 0 (absence de douleur) à 10 (la douleur la plus sévère imaginable), est la plus utilisée
$ . C'est souvent difficile chez des personnes présentant des troubles cognitifs, bien que des études montrent que la majorité des patients soient capables de comprendre l'une ou l'autre échelle de douleur. Pour les personnes âgées qui ne communiquent plus ou avec des troubles cognitifs sévères, au moins 28 échelles ont été publiées. Les plus structurées parmi celles-ci incluent les éléments suivants : expression faciale, vocalisation négative, langage corporel, modification des activités habituelles, modifications dans l’interaction avec autrui et modifications du status mental$ . Il n’existe cependant pas d’échelle de référence dont l’utilité clinique a été validée$ .
Il ne suffit pas d’évaluer le niveau de la douleur, il est indispensable d’en évaluer son ressenti, son impact émotionnel et fonctionnel, son retentissement sur les différents aspects de la vie du sujet (Comprehensive geriatric pain assessment) ce qui permettra d’affiner le diagnostic et mieux cibler le traitement$ .
Traitement
Sélectionné
Médicamenteux
Le choix dépend des caractéristiques du patient, des comorbidités et des effets indésirables potentiels. Un des choix : En cas de douleur neuropathique diabétique ou de névralgie post-herpétique: antidépresseurs tricycliques
Médicaments sélectionnés : nortriptyline
Efficacité
- Les antidépresseurs tricycliques sont les antidépresseurs les plus souvent évalués (plus grand nombre d'études), dans plusieurs types de neuropathie : amitriptyline, désipramine, imipramine et nortriptyline
$ . Les preuves de l’efficacité des antidépresseurs tricycliques en cas de douleur neuropathique sont jugées modérées dans cette méta-analyse. . - Les patients qui recevaient des ATC ont fait état, significativement plus souvent que les patients qui recevaient le placebo, d'une amélioration générale de leur état et d'une réduction de la douleur de 30% au moins (niveau de preuve moyen)
$ $ . - Les preuves d’efficacité de l’imipramine en cas de neuropathie sont faibles
$ . - La nortriptyline a montré une efficacité versus placebo dans les neuropathies centrales
$ . - Selon une synthèse des RCT disponibles concernant les douleurs neuropathiques, les antidépresseurs tricycliques, la gabapentine et la prégabaline ont une efficacité égale en termes du nombre de patients soulagés au moins à 50%, et entraînent autant d’arrêts d’études pour des effets indésirables
$ .
Sécurité
- La prudence s'impose chez des personnes âgées et fragilisées en raison de leur plus grande sensibilité aux effets indésirables anticholinergiques et cardiovasculaires. Il y a un risque d'hypotension orthostatique (avec risque accru de chute), de capacité de réaction réduite et de rétention vésicale
$ .
Conclusion et sélection
- La neuropathie diabétique douloureuse : choix entre nortriptyline, duloxétine et gabapentine en fonction des caractéristiques du patient, des comorbidités, des contre-indications et des effets indésirables potentiels.
- La névralgie post-herpétique : choix entre nortriptyline et gabapentine en fonction des caractéristiques du patient, des comorbidités, des contre-indications et des effets indésirables potentiels.
- L'instauration des TCA est contre-indiqué en cas de démence, de glaucome à angle fermé, d’anomalie de la conduction cardiaque, de prostatisme, ou d’antécédent de rétention urinaire à cause d'un risque d'aggravation de ces conditions.
$ - La nortriptyline provoque moins d'effets indésirables anticholinergiques que l'amitriptyline.
Le choix dépend des caractéristiques du patient, des comorbidités et des effets indésirables potentiels. Un des choix : En cas de douleur neuropathique diabétique ou de névralgie post-herpétique: gabapentine
Médicaments sélectionnés : gabapentine
Efficacité
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La gabapentine et la prégabaline sont les anti-épileptiques évalués en cas de neuropathie (hors carbamazépine pour la névralgie du trijumeau)
$ . Les preuves de l’efficacité de ces anti-épileptiques en cas de douleur neuropathique sont jugées fortes dans cette méta-analyse. -
Selon une synthèse de la Cochrane Collaboration, la gabapentine à la dose de 1.200 mg ou plus peut atténuer la douleur neuropathique chronique de façon substantielle chez environ deux fois plus de patients que le placebo
$ . -
Une méta-analyse en réseau montre l’efficacité de la carbamazépine, de la gabapentine et de la prégabaline à court terme versus placebo pour soulager la douleur d’une neuropathie diabétique. Elle mentionne l’absence de données claires concernant l’efficacité comparative des différents médicaments d’efficacité validée dans cette indication
$ .
Sécurité
-
La gabapentine (comme la prégabaline) expose à une toxicité hépatique et sanguine parfois grave
$ .
Conclusion
-
La gabapentine peut être proposée en cas de névralgie postherpétique et de neuropathie diabétique
$ . Elle peut être proposée pour d’autres neuropathies pour lesquelles elle s’est révélée statistiquement significativement efficace : lésion du cordon médullaire, myalgie masticatoire chronique, fibromyalgie, sciatique$ .
Le choix dépend des caractéristiques du patient, des comorbidités et des effets indésirables potentiels. Un des choix : En cas de neuropathie diabétique: duloxétine
Médicaments sélectionnés : duloxétine
Efficacité
- La duloxétine est plus efficace que le placebo
$ . - La duloxétine et la venlafaxine sont les antidépresseurs inhibiteurs de la recapture de la noradrénaline et de la sérotonine (IRNS) évalués en cas de neuropathie
$ . Les preuves de l’efficacité des IRNS en cas de douleur neuropathique sont jugées fortes dans cette méta-analyse. - Une méta-analyse en réseau montre l’efficacité des antidépresseurs inhibiteurs de la recapture de la noradrénaline et de la sérotonine (duloxétine et venlafaxine) à court terme versus placebo pour soulager la douleur d’une neuropathie diabétique. Elle mentionne l’absence de données claires concernant l’efficacité comparative des différents médicaments d’efficacité validée dans cette indication
$ - La neuropathie diabétique est la seule indication de neuropathie reconnue pour la duloxétine.
Sécurité
Les effets indésirables du duloxétine sont les mêmes que ceux des ISRS, effets indésirables cardiovasculaires, hépatites, syndromes de Stevens-Johnson, hyperglycémies chez les diabétiques, hémorragies (surtout digestives), hyponatrémie, troubles de la miction, rétention urinaire
Médicaments sélectionnés
En cas de névralgie du trijumeau : Carbamazépine
Médicaments sélectionnés : carbamazépine
La carbamazépine est utilisée depuis longtemps dans la névralgie du trijumeau et recommandée comme premier choix
Sécurité
La prudence est de mise chez des patients âgés et fragilisés, en cas de troubles cardiovasculaires, hépatiques et rénaux. Un surdosage peut se manifester par des effets indésirables au niveau du système nerveux central. Un suivi de la formule sanguine au début de l'administration et périodiquement au cours du traitement est nécessaire.
Une dépression médullaire, une détérioration de la fonction hépatique ou des réactions cutanées allergiques graves sont des motifs d'interruption du traitement.
Conclusion
La carbamazépine reste le traitement de premier choix pour la névralgie du trijumeau sur base d’une pratique clinique consensuelle et non sur base d’études de bonne qualité méthodologique.
En cas d’échec du traitement médical, un traitement chirurgical est à envisager
Essai du paracétamol
Médicaments sélectionnés : paracétamol
La douleur neuropathique répond mal aux analgésiques non-narcotiques habituels
Il n’existe aucune publication valide évaluant l’efficacité du paracétamol (seul ou en association avec de la codéine ou de la dihydrocodéine) pour soulager une douleur neuropathique
Non sélectionné
Médicamenteux
Amitriptyline
- La prudence s'impose chez des personnes âgées et fragilisées en raison de leur plus grande sensibilité aux effets indésirables anticholinergiques et cardiovasculaires. Il y a un risque d'hypotension orthostatique (avec risque accru de chute), de capacité de réaction réduite et de rétention vésicale
$ . - La nortriptyline provoque moins d'effets indésirables anticholinergiques que l'amitriptyline.
AINS
Il n’y a pas de preuve soutenant ou réfutant l’utilisation des AINS oraux pour traiter la douleur neuropathique
Les analgésiques morphiniques
L’efficacité des analgésiques morphiniques (morphine, fentanyl, tramadol) a été montrée dans plusieurs études dans le traitement des douleurs neuropathiques, mais les données de l'ensemble de la littérature sont contradictoires pour le court terme, à risque de biais pour les études à moyen terme et incertaines pour les neuropathies chroniques
Une synthèse de la Cochrane Collaboration
Les données sont insuffisantes pour l’hydromorphone
Il y a trop peu de données pour déterminer la place des analgésiques morphiniques par rapport aux antidépresseurs tricycliques ou aux d’autres analgésiques.
La prégabaline
Selon une synthèse de la Cochrane Collaboration, une efficacité substantielle de la prégabaline, apparentée à la gabapentine, a été démontrée dans la neuropathie diabétique et dans la neuropathie postherpétique
Il n’y a aucune preuve d’une plus-value de la prégabaline versus gabapentine en l'absence de comparaison directe. Ce médicament plus onéreux n’est remboursé qu’en cas d’échec de l’amitriptyline
Des cas d’idées suicidaires ont été rapportés avec la gabapentine et la prégabaline
Formulations à base de vitamine B
Les preuves justifiant l'emploi de vitamine B dans la neuropathie douloureuse font totalement défaut
Oxycodone
Une synthèse méthodique de la Cochrane Collaboration a montré qu'il n y a pas de preuves solides de l’efficacité de l’’oxycodone pour le traitement d’une neuropathie diabétique ou postherpétique
Buprénorphine
Les preuves sont insuffisantes pour accepter ou refuser l’intérêt de la buprénorphine en cas de neuropathie
Le topiramate
Le topiramate ne se montre pas plus efficace qu’un placebo pour soulager une neuropathie diabétique (seule indication de neuropathie évaluée pour le topiramate)
Le topiramate n’est pas enregistré pour cette indication en Belgique.
La lamotrigine
Une synthèse méthodique de la Cochrane Collaboration ne montre pas d’efficacité significative (réduction de la douleur d’au moins 50%) de la lamotrigine versus placebo en cas de douleur neuropathique
Un rash cutané a été observé chez une personne sur 27
Les antipsychotiques
L’intérêt de certains antipsychotiques versus placebo ou comparateur actif est mal établi, avec des résultats discordants pour les neuropathies
Le citalopram, la paroxétine et la venlafaxine
Le citalopram, la paroxétine et la venlafaxine se sont avérés efficaces en cas de neuropathie diabétique, mais le niveau de preuve est modeste
Une méta-analyse en réseau montre l’efficacité des antidépresseurs inhibiteurs de la recapture de la noradrénaline et de la sérotonine (duloxétine et venlafaxine) à court terme versus placebo pour soulager la douleur d’une neuropathie diabétique. Elle mentionne l’absence de données claires concernant l’efficacité comparative des différents médicaments d’efficacité validée dans cette indication
Traitements locaux : la capsaïcine et la lidocaïne
Capsaïcine
- La capsaïcine peut se montrer efficace en cas de neuropathie diabétique et de névralgie postherpétique
$ $ . - Un système transdermique avec 8% de capsaïcine appliqué durant 30 à 90 minutes, réservé à l’usage hospitalier en Belgique, se montre efficace dans la neuropathie postherpétique ou liée à une infection par le VIH
$ $ . Ce type de présentation se montre non inférieur à la prégabaline chez des patients présentant une neuropathie périphérique post-herpétique, post-traumatique ou autre non diabétique$ . - Pour une douleur neuropathique diabétique une efficacité cliniquement pertinente est insuffisamment prouvée
$ $ . - La capsaïcine est bien souvent à l’origine d'une irritation cutanée locale, généralement modérée et transitoire, mais pouvant parfois être sévère ou nécessiter l’arrêt du traitement
$ .
Lidocaïne
- La lidocaïne à 5% sous forme d’emplâtre transdermique a une efficacité modeste dans le traitement des douleurs neuropathiques
$ . - Une synthèse méthodique de la Cochrane Collaboration conclut à l’absence de preuves de bonne qualité pour étayer l’usage de la lidocaïne topique pour soulager une douleur neuropathique
$ . - Le principal effet indésirable est l’apparition d’érythème, mais en cas de passage transdermique important vers la circulation générale, une bradycardie, une hypotension sévère et des convulsions ont été observées.
- Le traitement revient cher ; un remboursement peut être demandé sous certaines conditions pour les patients souffrant de douleurs neuropathiques postherpétiques.
Traitements médicamenteux associés
- Une association de plusieurs médicaments est fréquemment utilisée pour tenter de soulager des douleurs neuropathiques chez un adulte.
- Une synthèse de la littérature montre des résultats favorables (petites populations et études de courte durée) mais aussi avec davantage d’effets indésirables
$ . - Pour 2 études comparant une association gabapentine + opioïde versus opioïde seul, la plus-value en efficacité de l’association est statistiquement significative mais la pertinence clinique reste à déterminer. Il n’est pas possible de recommander une association plutôt qu'une autre sur base de preuves
$ . - L’étude COMBO-DN, publiée en 2013, ne montre pas de plus-value de l’association duloxétine + prégabaline versus monothérapies à haute dose pour le traitement de la neuropathie diabétique
$ . - Des données plus spécifiques chez les personnes âgées font défaut.